Elsa RISTIC nous a quittés.

En hommage à son action et à ses mérites, Bruno Doyen et Gabriel Becker ont lu alternativement ce texte à la fin de la cérémonie religieuse:

 La disparition d'une personne âgée est comparable au point final d'un livre épais : il convient à présent de le refermer et de le ranger. La durée a grossi le tome, une longue vie charge la mémoire et les souvenirs prennent le relai pour évoquer la vie.

Elsa, nous l'avons découverte il a 18 ans au début du renouveau du BSJ. Elle nous a ouvert sa maison et sa boîte à souvenirs a livré ses secrets : elle travaillait dans un bureau près du cimetière israélite de Boulay . Un observatoire idéal pour découvrir le manège macabre qui s'y déroulait tous les jours. Le tombereau faisait la navette entre le Lazarett de la caserne et l'extension du cimetière juif pour venir y déverser sa cargaison de cadavres.

Ce spectacle lui donnait la nausée. Sa conscience lui imposait la nécessité d'agir. Elle venait en aide aux prisonniers affamés chaque fois que possible. Elle avait très vite compris que « kléba » signifiait « du pain ». Elle faisait fi des interdits mis en avant par l'occupant. Sa morale était simple et sacrée : Quel homme a le droit de refuser un bout de pain à un autre homme ? Son humanité n'a jamais été prise en défaut et c'est sans doute aussi cette bonté d'âme qu'aura remarquée son futur époux du haut de son cheval.

Les prisonniers secourus témoignaient leur reconnaissance par la remise de petits cadeaux aux donateurs. Sur ton cœur, Elsa, tes enfants ont disposé un portrait de toi, exécuté par un prisonnier artiste. Tu avais aussi récupéré une petite bouteille contenant la crucifixion polychrome. Ces objets, Elsa, prennent aujourd'hui une dimension particulière : ils sont la preuve tangible que dans le monde déboussolé d'alors, ton humanité a su faire merveille et triompher du mal. Et ta récompense sera grande ! N'est-il pas écrit quelque part : « Tout ce que vous aurez fait à l'un de mes petits, c'est à moi que vous l'aurez fait ! »

Nous sommes heureux à l'AFU d'avoir pu rendre hommage à ton courage et à ton exemplarité. Ton témoignage poignant figure dans le premier livre. Tu as tenu à épauler les efforts de notre association en y adhérant dès le départ. Le jour de l'inauguration de la stèle en 2012, tu étais en première ligne au BSJ pour une distribution de pain symbolique. En 2014, nous avons intégré ton portrait dans un panneau du sentier pédagogique. Et Dominique Hennequin, dans son documentaire « Trou de Mémoire » fait une large place à tes mérites. Tu vois, Elsa, la technique déjà te procure l'éternité. Tu as su écrire l'Histoire avec une encre indélébile, la seule qui convienne aux héros.